Pourrons-nous faire encore longtemps l’économie de débats sur le fondement de l’écologie politique des Verts et, notamment, sur la critique radicale de l’aliénation aux dogmes de la croissance et du consumérisme ? Actuellement, les Verts éprouvent de la difficulté à aborder les « sujets qui fâchent ». À ce titre, la démission du Conseiller municipal Julien Cart a interrogé passablement de membres et de sympathisants des Verts qui y ont vu le symptôme d’un malaise plus profond. Saisissons-nous de cet évènement qui met en exergue la nécessité d’ouvrir des espaces de débats permettant des discussions critiques de fond sur des enjeux concrets tels que les finances publiques et de l'attraction d'entreprises à Genève.
Les écologistes se sont depuis toujours manifestés comme des lanceurs d’alertes aux visions souvent jugées irréelles, utopiques et sans fondement. Lors de la campagne de 1974 en France, René Dumont, en avance sur son temps, surprend les Français en se montrant à la télévision avec une pomme et un verre d'eau, pour leur expliquer avec des mots tout simples combien ces ressources étaient précieuses et en péril. Il prédisait l'inévitable hausse du prix des carburants. Il obtiendra 1,32% des votes, or trente ans plus tard on constate que, avec l’avènement d’un capitalisme devenu mondialement destructeur, la réalité dépasse les prévisions.
Les crises sociales, économiques et écologiques sont indissociables et elles ne peuvent trouver une issue que grâce à une remise en cause fondamentale du système qui en est l'origine. Nous, les Verts, devons repartir de ces fondamentaux et nous concentrer sur des propositions écologiques fortes incluant les dimensions sociales et économiques. Nous devons retrouver une réelle liberté d’action, de proposition et d’innovation, notre caractère original et anticonformiste et ne pas se perdre dans les débats de gestion, dans les recherches « à tout prix » de compromis boiteux. Nous devons maintenant avoir le courage de lever la tête du guidon et prendre acte du fait que nous ne sommes pas toujours sur la bonne route.
Les Verts doivent défendre un programme audacieux et de gauche. Un programme qui tend vers une véritable transformation de la société marchande. De simples aménagements ne suffiront pas. Nos divergences dans les débats concernant par exemple la Centrale chaleur force, la gratuité des transports publics ou les baisses d’impôts montrent que le parti nécessite de redéfinir des objectifs communs. Les prochaines élections ne sont qu’une étape de la vie politique, elles peuvent être l’occasion de redéfinir un projet alternatif et écologique qui proposera :
- le développement de l’économie sociale et solidaire,
- la création de nouveaux indicateurs de développement tenant compte de la santé sociale, du bien-être, de la formation, de l’empreinte écologique,
- la diminution de la mobilité motorisée individuelle,
- la diminution du temps de travail,
- la prise en compte de la vie familiale et des engagements associatifs,
- l’instauration du revenu universel d’existence,
- l’élargissement des droits fondamentaux tels que le droit de vote et d’éligibilité des migrant-e-s, les accès aux soins, à l’éducation, au logement à la culture et à la formation,
- une agriculture respectueuse de la terre, de la souveraineté alimentaire, privilégiant les circuits de proximités et une agriculture vivrière bio,
- une nouvelle politique énergétique alliant l’arrêt du nucléaire, les économies d’énergie et les productions décentralisées,
Les Verts doivent créer les conditions nécessaires à une telle reconfiguration autour d’un idéal de gauche clairement affirmé. Ces propositions nécessiteront un fort engagement des collectivités publiques et de la population, elles nécessiteront des moyens financiers et une administration au service des habitants et des plus faibles. Les Verts avec les Socialistes et les formations de gauche devront soutenir les moyens indispensables pour ces réalisations. La défense de cette vision politique nécessite du courage et de la ténacité, elle appelle peut-être également certains renoncements, mais surtout, elle exige que notre parti fasse urgemment de la place à la diversité et au dialogue.
Alfonso Gomez